DIVISER POUR REGNER

28 février 2015

DIVISER POUR REGNER

 

L’étude de Patricia M.E  LORCIN  sur « le colonialisme et l’idéologie raciale » est très complète. Elle s’intitule : Kabyles, Arabes, Français : identités coloniales paru chez PULIM. Elle a nécessité, j’imagine, bien du temps pour consulter patiemment et avec la  minutie exigée tous les écrits et toutes les archives relatifs au thème traité (cet auteur cite les sources de façon toute aussi minutieuse).

Il est clairement expliqué dans cette étude que les responsables à haut niveau de la colonisation en Algérie ont tout fait pour mettre en exergue et utiliser à dessein les différences de race et de comportement chez les Arabes et chez les Kabyles,  aussi bien au sein de leur société civile que pendant les combats qui se sont déroulés . Le but étant, bien sûr, de pouvoir assimiler les Kabyles rapidement quitte à les dresser par la suite contre les Arabes et en faire un gage de sécurité pour la colonie.

Les Français ont crée le « mythe kabyle » qui consistait à juger que les Kabyles étaient supérieurs aux Arabes. Ils ont ainsi utilisé les différences sociologiques et les disparités religieuses pour montrer une représentation positive chez les Kabyles et négative chez les Arabes dans le but d’affirmer que les premiers cités étaient plus aptes à l’assimilation que les seconds.

 

Malgré le fait qu’à leur arrivée en Algérie, les français ont trouvé une population de trois millions d’habitants dont effectivement des Kabyles, des Arabes mais aussi des Turcs, des Kouloughlis (nés de Turcs et de Nord-Africaines), des Andalous ou Maures chassés d’Espagne, des Juifs, des Chaouias, des Mozabites, des Chenouis, ils ont réduit l’équation à la présence uniquement de Kabyles sédentaires et montagnards d’un coté et d’Arabes nomades des plaines de l’autre.

Dans cette différenciation il faut saisir la notion coloniale de Kabyle contre Arabe et non de Kabyle et d’Arabe. Cela influe sur toute la politique de la France coloniale envers les populations autochtones et cela veut dire que les français ont trouvé non pas des Kabyles et des Arabes en Algérie mais des Kabyles susceptibles de combattre contre des Arabes au profit de la France coloniale.

Cette perspective étant répandue il fallait alors « s’occuper » séparément de chaque catégorie d’autochtones et c’est ainsi que lorsque l’émir Abdelkader fut vaincu et sa reddition accomplie en 1947, la Kabylie proprement dite ne figurait pas dans la liste des trois départements de ce qui devint officiellement en 1948 la colonie intégrée  à la France. Pour être clair, il faut souligner que lorsque la majeure partie des territoires étaient conquis avec comme fin tragique la capitulation d’Abdelkader, les Kabyles, eux étaient considérés comme indépendants et jouissaient vis-à-vis de la France coloniale d’un statut de respectable voisin avec qui établir des relations d’égal à égal.

Les Français, à l’image de Tocqueville dans sa « Seconde lettre sur l’Algérie » pensaient que l’âme des Kabyles « plus intelligents » n’était pas impénétrable à la civilisation française comme l’était leur territoire, à l’opposé des Arabes dont « l’âme était encore plus changeante que leur demeure »

Il a été même question sous le Duc de Rovigo commandant en chef de l’armée en Algérie de décembre 1831 à Juin 1833  d’installer un certain M. Joly comme  consul français à Bougie pour développer les relations commerciales d’égal à égal avec les Kabyles et d’ouvrir ainsi le port aux navires français.

Le 10 juillet 2007, le président français Nicolas Sarkosy s’est rendu en Algérie et  « souhaite que l’Algérie affirme son identité arabo-islamique » sans dire un traître mot dans son interview au journal El-Watan sur la place  qui revient aux  Amazighs et à  leur langue séculaire mais toujours marginalisée.

Plus de cinquante après l’indépendance de l’Algérie,  cette politique serait-elle toujours en vigueur?

Abdelmadjid Adour

 

 

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Commentaires

Fabienne Huillet
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Merci pour toutes ces infos, voici une bonne lecture. J'ai appris différentes choses en vous lisant, merci à vous. Fabienne Huillet www.neonmag.fr